L’ARCEP a rendu une décision récente qui permet aux opérateurs de communications électroniques d’entrevoir des améliorations quant aux conditions d’utilisation mutualisée des infrastructures de génie civil.
Le 20 juillet dernier, l’ARCEP a en effet mis en demeure Orange de respecter ses obligations (i) de fournir l’accès à ses infrastructures de génie civil pour le déploiement de boucles locales optiques dans des conditions non-discriminatoires et (ii) de transmettre à l’ARCEP les informations relatives aux déploiements et à la qualité de service relatifs à la composante GC RCA.
Cette décision fait suite à l’ouverture par l’ARCEP, le 7 octobre 2015, d’une procédure de sanction à l’encontre d’Orange au titre de l’article L.36-11 du code des postes et communications électroniques.
Après une première phase d’instruction de plusieurs mois, l’ARCEP emboite le pas à l’Autorité de la concurrence qui avait condamné Orange, en décembre 2015, pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles sur les marchés des services fixes et mobiles à destination de la clientèle entreprise[1].
Dans sa décision, l’ARCEP rappelle qu’Orange a été identifiée comme opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire[2]. A ce titre, des obligations spécifiques lui ont été assignées afin de maintenir une dynamique concurrentielle et, en particulier, une obligation de fournir l’accès dans des conditions non discriminatoires ainsi qu’une obligation de transparence.
Sur la première obligation, l’ARCEP reprend la position développée par la Commission européenne en considérant que le moyen le plus efficace pour assurer l’effectivité de la non-discrimination est d’appliquer le concept de l’équivalence des entrants. La non-discrimination s’interprétant dans ce cas comme une équivalence d’accès, les opérateurs alternatifs doivent être traités sur un pied d’égalité par Orange par rapport à sa propre branche de détail.
Or, lors de son instruction l’ARCEP a pu constater qu’Orange traite sa propre branche de détail et les opérateurs alternatifs différemment. Elle relève notamment que les processus de commande et d’enchainement des différentes phases de livraison des commandes sont différents et en défaveur des opérateurs alternatifs. Les opérateurs alternatifs ne sont donc pas placés sur un pied d’égalité par rapport à Orange. L’ARCEP constate l’infraction d’Orange à son obligation de non-discrimination afin d’assurer l’équivalence d’accès aux opérateurs alternatifs et met en demeure Orange de s’y conformer et d’en justifier auprès de l’ARCEP au plus tard le 15 octobre 2016.
Afin d’assurer le respect de cette obligation, Orange est soumise à une deuxième obligation : l'obligation de transparence. Elle doit à ce titre notamment fournir des informations relatives aux déploiements et à la qualité de service. La publication des indicateurs relatifs à la qualité de service est particulièrement importante au moins à deux titres. Elle permet à l’ARCEP de contrôler le respect par Orange de son obligation de non-discrimination en s’assurant que les niveaux de qualité de service appliqués aux opérateurs alternatifs sont les mêmes que pour la branche de détail entreprise d’Orange. Seul le respect de cette obligation permet la réplicabilité des niveaux de services d'Orange par les opérateurs alternatifs, condition indispensable sur le marché entreprise. Elle permet par ailleurs aux opérateurs alternatifs de disposer d’une visibilité suffisante pour pouvoir s’engager eux-mêmes sur des niveaux de services et de déploiement auprès de leurs clients.
Or, lors de son instruction l’ARCEP a constaté qu’Orange ne respectait pas cette obligation de transparence dans la mesure où elle n'a pas publié pas les informations suivantes :
En l’absence de ces informations, l’ARCEP n’est pas en mesure d’apprécier la situation concurrentielle et de s’assurer de l’absence de pratiques discriminatoires. L’ARCEP constate donc l’infraction et met Orange en demeure de respecter son obligation de mesurer et publier les indicateurs de qualité de service relatifs à la composante GC RCA de son offre d’accès aux infrastructures de génie civil mobilisables pour le déploiement de boucles locales optiques d’ici le 31 octobre 2016.
Cette mise en demeure constitue une nouvelle étape dans la volonté des autorités de régulation de faire cesser les pratiques mises en œuvre par Orange pour conserver, voire augmenter, sa position dominante sur le marché de détail entreprise. Ce dossier devra être suivi avec intérêt car cette mise en demeure, au-delà de l’impact très bénéfique qu’elle pourrait avoir sur les opérateurs alternatifs, pourrait donner lieu à d’autres mises en demeure. En effet, l’ARCEP a précisé qu’elle poursuivait son instruction sur d’autres manquements éventuels d’Orange à sa décision n°2014-0733 susvisée.
[1] Voir la décision 15-D-20 du 17 décembre 2015 de l’Autorité de la concurrence
[2] Voir la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 de l’ARCEP portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché