La loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) validée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2020-807 DC du 3 décembre 2020, contient un nombre important de mesures en matière de commande publique visant à soutenir les opérateurs économiques dans le cadre du plan de relance afin de pallier les dommages immédiats causés par la pandémie de COVID-19. Certaines dispositions de simplification mises en place pendant l’Etat d’urgence sanitaire sont par ailleurs pérennisées.
La pérennisation d’un Etat d’urgence de la commande publique
S’inspirant du dispositif mis en place pendant l’état d’urgence sanitaire par l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020, l’article 131 de la loi ASAP ajoute au code de la commande publique un dispositif de circonstances exceptionnelles applicable aux marchés publics ainsi qu’aux contrats de concessions.
En application des nouveaux articles L. 2711-1, L. 2711-2 et L. 3411-1 du CCP, ces règles d’exception pourront être déclenchées par décret sur tout ou partie du territoire pendant une durée maximale de 24 mois dont la prorogation est autorisée par la loi.
Les acheteurs publics et les autorités concédantes peuvent notamment recourir aux mesures suivantes :
• Adaptations possibles de la procédure en cas de difficultés de mettre en œuvre les modalités de mise en concurrence (Art. L. 2711-3. et L. 3411-3 du CCP) ;
• Prolongation possible des délais de réception des candidatures et des offres (Art. L. 2711-4 du CCP) ;
• Prolongation de la durée des marchés dont le terme normal intervient pendant la période de circonstances exceptionnelles (Art. L. 2711-5 et L. 3411-5 du CCP) ;
• Prorogation des délais d’exécution quand le titulaire n’est pas en mesure de les respecter (Art. L. 2711-7 et L. 3411-7 du CCP) ;
• Possible exonération du titulaire défaillant, que ce soit sur la base des pénalités contractuelles ou de sa responsabilité contractuelle y compris lorsque l’acheteur conclut un marché de substitution avec un tiers afin de répondre à ses besoins qui ne peuvent souffrir d’aucun retard (Art. L. 2711-8 du CCP).
Le Conseil constitutionnel ne considère pas ces dispositions comme inconstitutionnelles dans la mesure où « les mots « circonstances exceptionnelles » (…) ne sont ni inintelligibles ni entachés d'incompétence négative ».
L’exclusion de certains marchés de services juridiques des procédures de publicité et de mise en concurrence
Les dispositions de l’article 140 de la loi ASAP confirment le choix de la France d’exclure des procédures de passation les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat et les procédures de consultation juridique qui se rapportent à un contentieux existant ou à venir.
Le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions qui « ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat, qui comportait, à son article 46, des dispositions qui excluaient de l'application des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession, les services de représentation devant les juridictions et de consultation juridique ».
Les autres mesures de simplification des règles de la commande publique
Parmi ces mesures, certaines sont d’application immédiate à compter du 8 décembre, d’autres nécessitent l’intervention de textes d’application.
Les dispositions en vigueur
Une protection des entreprises faisant l’objet d’une procédure collective en matière de commande publique
L’article 131 de la loi ASAP pérennise les mesures de l’ordonnance n°2020-738 du 17 juin 2020. Ainsi, les opérateurs économiques admis dans une procédure collective ne sont plus interdits de soumissionner s’ils bénéficient d’un plan de redressement (Art. L. 2141-3 et L. 3123-3 du CCP). De la même manière, les autorités contractantes ne peuvent résilier un marché ou une concession au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire (Art. L. 2195-4 et L. 3136-4 du CCP).
Le relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés de travaux
Aux termes de l’article 142 de la loi ASAP, les acheteurs peuvent, jusqu'au 31 décembre 2022 inclus, conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables :
• pour les opérations de travaux dont le montant estimé est inférieur à 100 000 euros HT
• pour les lots de travaux d’une opération, dont le montant est inférieur à 100 000 euros HT, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20% de la valeur totale estimée de tous les lots.
Pour le Conseil constitutionnel, cette dispense n'exonère toutefois pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du CCP.
L’extension des marchés globaux
L’article L. 2171-4, 5° du CCP introduit un nouveau type de marché public global sectoriel. L’Etat peut ainsi confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction, l'aménagement, l'exploitation, la maintenance ou l'entretien des infrastructures linéaires de transport de l'Etat, hors bâtiments.
Ces marchés globaux passés par dérogation au principe d’allotissement concernent certaines catégories d’acheteurs et d’opérations, fixées limitativement par les articles L. 2171-4 à L. 2171-6-1 du CCP. Ainsi, la Société du Grand Paris est autorisée à prévoir que les titulaires de ses contrats puissent participer aux possibilités de construction et de valorisation des immeubles connexes aux gares.
L’assouplissement du dispositif de réservation des marchés publics aux opérateurs employant des travailleurs handicapés et défavorisés
L’article 141 de la loi ASAP autorise les acheteurs à réserver un même marché ou un même lot aux opérateurs économiques répondant à la fois aux conditions de l’article L. 2113-12 du CCP (entreprises adaptées (EA) et services d’aide par le travail (ESAT) employant des travailleurs handicapés) et à ceux répondant aux conditions de l’article L. 2113-13 du CCP (structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) employant des travailleurs défavorisés).
Les dispositions nécessitant l’intervention de textes d’application
L’intérêt général, nouvelle hypothèse de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés publics
L’article 131 de la loi ASAP modifie les articles L. 2122-1 et L. 2322-1 du CCP en ajoutant le motif d’intérêt général aux hypothèses existantes permettant de passer un marché public ou une concession sans publicité ni mise en concurrence préalables.
La dispense de publicité et de mise en concurrence peut classiquement être motivée par l’infructuosité de la procédure ou par toute autre raison d’intérêt général, notamment d’une urgence particulière.
Cette nouvelle hypothèse de dispense a été contestée lors des débats parlementaires. Toutefois, la DAJ dans sa fiche technique du 4 janvier 2021, a précisé qu’il ne s’agit pas de permettre aux acheteurs publics de déroger aux procédures en fonction de leur propre appréciation de l’intérêt général mais de leur offrir la possibilité d’autoriser les acheteurs publics à le faire « dans des cas et pour des marchés expressément définis par décret ».
Les marchés globaux réservés aux TPE/PME
L’article 131 de la loi ASAP reprend certaines mesures inspirées des dispositions applicables aux marchés de partenariat pour les étendre à l’ensemble des marchés globaux. Ainsi, le marché global doit prévoir une part minimale de l’exécution du contrat que le titulaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans (Art. L. 2171-8 du CCP). Un décret précisera la proportion de la part minimale d’exécution des marchés globaux. L’acheteur devra également tenir compte de la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans (Art. L. 2152-9 du CCP).