Par un arrêt du 22 mars 2022, les juges d’appel de Nancy ont précisé la distinction entre les marchés de substitution et les marchés de conformité conclus avec un tiers par le pouvoir adjudicateur en cas de mise en régie.
En l’espèce, un centre hospitalier avait confié à un entrepreneur une opération de restructuration de bâtiments et de construction d’un nouveau bâtiment. Les deux phases des travaux ont été réceptionnées avec réserves. Le centre hospitalier a mis en demeure le titulaire défaillant de lever l’ensemble des réserves, sous peine de prononcer une mise en régie à ses frais et risques soit ordonnée. Le délai étant passé, et les malfaçons n’étant pas été corrigées, le centre hospitalier a pu ordonner la mise en régie aux frais et risques de l’entrepreneur en lui notifiant un décompte général du marché négatif.
Cet arrêt apporte des réponses aux questions que peuvent se poser les opérateurs en cas de mise en régie, selon que le nouveau marché passé par le pouvoir adjudicateur a pour objet de substituer l’opérateur défaillant ou de faire reprendre simplement les malfaçons pour lever les réserves.
Quelle est la distinction entre marché de substitution et marché de mise en conformité ?
L’article 48.2 du CCAG-Travaux de 2009 (dont la rédaction est reprise de manière identique par l’article 52.2 du CCAG-Travaux de 2021) précisait que « si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée ».
Si l’acheteur public décide d’ordonner la mise en régie aux frais et risques du titulaire défaillant, il peut décider soit d’exécuter les prestations lui-même, soit d’en confier l’exécution à un tiers. Dans ce deuxième cas, le pouvoir adjudicateur passe un marché de substitution avec un autre entrepreneur, dont l’objet doit exclusivement porter sur l’achèvement des prestations telles que définies dans le marché initial (CAA Marseille, 11 janvier 2013, société Mars, n° 10MA03075).
Le marché de mise en conformité intervient, lorsque la réception des travaux est assortie de réserves, et que le titulaire du marché n’a pas remédié à l’ensemble des malfaçons et imperfections, dans les délais qui lui étaient impartis, et après mise en demeure (cf. article 41.6 du CCAG-Travaux de 2009). Dans ce cas, l’acheteur public peut décider de procéder à la mise en régie des travaux de reprise de ces malfaçons, à ses frais et risques, après la phase de réception. Contrairement au marché de substitution, la conclusion de ce type de marché avec une entreprise tierce n’entraîne pas de résiliation préalable du marché initial.
En cas de mise en régie aux frais et risques, le titulaire dispose-t-il d’un droit de suivi du marché de mise en conformité ?
NON. A l’inverse du marché de substitution, le marché de mise en conformité, faisant suite à la décision de mise en régie aux frais et risques, ne confère pas au titulaire défaillant le droit d’en suivre l’exécution.
Dans son arrêt du 22 mars 2022, la Cour administrative d’appel de Nancy affirme que « (…), les contrats passés par le maître d'ouvrage avec un autre entrepreneur pour la seule reprise de malfaçons auxquelles le titulaire du marché n'a pas remédié ne constituent pas, en principe, des marchés de substitution soumis au droit de suivi de leur exécution ».
Toutefois, bien que le titulaire défaillant soit privé de ce droit de suivi, les travaux réalisés dans le cadre d’un marché de mise en conformité à la levée des réserves doivent être regardés comme des travaux réalisés à ses frais et risques, et non comme des travaux supplémentaires, contrairement à ce que le titulaire défaillant pourrait affirmer.
Le titulaire défaillant dispose-t-il d’un droit de suivi si le marché passé par le pouvoir adjudicateur avec un tiers est un marché d’achèvement et de réparation ?
OUI. Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le marché public de substitution inclut à la fois des travaux de reprise et des travaux d’achèvement.
Dans ce cas, selon le Conseil d’Etat, « le droit de suivi du titulaire initial du marché s’exerce sur l’ensemble des prestations du marché de substitution, sans qu’il y ait lieu de distinguer celles de ces prestations qui auraient pu faire l’objet de contrats conclus sans mise en régie préalable » (CE, 27 avril 2021, Sté Constructions Bâtiments Immobiliers, n° 437148).
Ainsi, si le marché répond à un objectif d’achèvement, alors il sera qualifié dans son ensemble de marché de substitution. La notion d’achèvement primant ainsi sur la notion de reprise fait rentrer ce type de marché directement dans la catégorie des marchés de substitution.
Commentaire de CAA Nancy, 22 mars 2022, n° 19NC01635, Sté Soprema Entreprises