L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 qui a réformé le droit des sûretés en modifiant l’article L. 211-20 du Code monétaire et financier a apporté souplesse et efficacité au régime du nantissement de compte-titres à trois niveaux :
On regrette toutefois que, dans le même temps, l’ordonnance n° 2021-1193 également datée du 15 septembre 2021, réformant le Livre VI du code de commerce, vienne limiter l’intérêt de cette sûreté en procédures collectives par l’insertion à l’article L. 622-21, IV du Code de commerce (applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021) d’une nouvelle restriction.
Ce dernier article prévoit que le jugement d’ouverture « interdit […] de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur ». Le texte ajoute que « toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture ».
Très probablement inspiré par le contexte de la restructuration du groupe Rallye et de ses structures faîtières dont l’exécution des plans de sauvegarde (selon ses dirigeants) « dépend principalement de la capacité de Casino à distribuer des dividendes », cet article vise principalement à paralyser l’accroissement de l’assiette du nantissement de compte-titres à compter du jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
A compter de la date du jugement d’ouverture, les clauses visant à inscrire des titres financiers supplémentaires au crédit du compte-titres nanti après la constitution du nantissement (la clause d’arrosage en vue de compenser la diminution de valeur des titres financiers initialement inscrits et préserver la valeur initiale du nantissement et la clause d’accroissement afin d’adapter la valeur de la sûreté à celui de la dette garantie) sont neutralisées.
De la même manière, à compter du jugement d’ouverture , les dividendes ne pourront plus être versés sur le « compte fruits et produits » : les dividendes éventuellement perçus par le constituant pendant la période d’observation feront très probablement l’objet d’une ségrégation et d’un transfert sur un autre compte « de la procédure » ouvert au nom du constituant.
Doit-on considérer que l’article L.622-21, IV du Code de commerce met à mal le droit de rétention du créancier nanti ? L’article L.211-20, IV du Code monétaire et financier n’a pas été modifié par l’ordonnance n° 2021-1192 et « le créancier nanti bénéficie en toute hypothèse d'un droit de rétention sur les titres financiers et sommes en toute monnaie figurant au compte nanti ». Mais à l’instar du nantissement de solde de compte bancaire, les droits du créancier nanti (et son droit de rétention) porteront sur les titres financiers et les dividendes inscrits au crédit du compte à la date du jugement d'ouverture1.
On peut toutefois s’interroger sur l’impact de cette nouvelle disposition en pratique : devant cette atteinte à l’efficacité du nantissement de compte-titres, le créancier nanti ne sera-t-il pas tenté d’interdire la libre disposition des dividendes au constituant sauf exception ou autorisation ?
Enfin, quant aux schémas alternatifs tels que la fiducie-sûreté ou les garanties financières qui échappent aux rigueurs des procédures collectives2, encore faut-il que les conditions commerciales ou les conditions de leur constitution soient réunies.
__________________