Le 10 novembre 2022, le Gouvernement a confié à Bpifrance par le biais d’un communiqué de presse, la mise en œuvre d’un fonds de garantie visant à encourager la conclusion de Corporate PPA (ci-après « CPPA ») à destination des industriels [1]. Celui-ci prend le nom de Garantie Électricité Renouvelable (ci-après la « GER »). Il s’inspire du fonds de garantie norvégien dédié aux PPA [2] mis en place en 2011.
Comme l’indiquait alors le Ministre de l’économie dans le communiqué, ce dispositif vise à crédibiliser auprès des producteurs d’énergie renouvelable, le recours au CPPA comme alternative aux mécanismes de soutien. Le fonds se combine avec les mesures en faveur des PPA édictées par la loi du 10 mars 2023 dite loi « accélération ENR [3] » à savoir (i) la création d’un cadre juridique dédié et (ii) l’ouverture des CPPA aux personnes publiques [4].
Cette nouvelle mission reconnue à Bpifrance n’a pas donné lieu à l’édiction d’un arrêté ou d’un décret dans la mesure où celle-ci s’inscrit dans les missions de l’organisme reprises au sein de son objet social [5].
La GER est opérationnelle depuis le 1er septembre 2023. Sa dotation initiale de 68 millions d’euros permettra de couvrir 500 MW de capacités nouvelles[6]. Elle pourra être augmentée à mesure que le marché du CPPA se développe pour les industriels français. La GER est une garantie bancaire et non une aide d’Etat. Elle vise à couvrir 80 % de la rémunération du CPPA en cas d’un défaut de paiement de l’acheteur.
1. Acheteurs, producteurs, actifs et CPPA couverts par la GER : un large spectre de couverture
Seuls (i) les producteurs éoliens terrestres et photovoltaïques en métropole et (ii) dont les installations sont raccordées au réseau public d’électricité sont éligibles au fonds de garantie CPPA. La GER ne couvre que des actifs de production qui n’ont pas encore été mis en service. Elle pourra couvrir des actifs en repowering sous réserve que la nouvelle MSI ne soit pas encore intervenue. Les centrales en sortie d’OA sont exclues du dispositif. Bpifrance a précisé que les centrales vendant actuellement leur production sur le marché spot sont également couvertes par le fonds de garantie, si elles s’orientent vers un CPPA à terme.
Les acheteurs doivent être des industriels de type « industries extractives » [7] et « industries manufacturières » [8]. Leur siège social doit être situé en France et les sites de consommation localisés en métropole. Le FIBEN de l’acheteur doit être compris entre 1+ et 6+. La GER couvre ainsi les groupes étrangers ayant des filiales en France.
Le CPPA doit avoir une durée minimale de 10 ans avec un volume annuel minimal garanti de 10 GWh. La GER couvre différentes structures contractuelles de CPPA à savoir (i) mono-producteur et mono-acheteur, (ii) multi-SPV détenues par un même groupe avec un mono-Acheteur et (iii) un acheteur centralisé mais, dont le consommateur final est un industriel (pooling).
2. Mise en œuvre de la GER : un dispositif protecteur pour le producteur
La structure retenue par Bpifrance est protectrice pour le producteur. Ce dernier est le bénéficiaire de la GER. Les coûts de la GER sont facturés à l’acheteur. Ils seront cependant payés par le bénéficiaire au nom et pour le compte de l’acheteur. Le producteur devra ensuite les refacturer à l’acheteur sous quelque forme que ce soit. Cette particularité permet de protéger le bénéficiaire du défaut de paiement des commissions de la GER par l’acheteur.
La GER couvre 80 % de la rémunération prévue dans le CPPA. Elle n’interviendra qu’après la résiliation du CPPA et de la mise en jeu de la garantie autonome. Elle ne couvre pas rétroactivement les mois impayés. La rémunération est entendue ici comme le « produit du volume garanti par le prix de référence garanti ». Ces deux paramètres sont fixés par le producteur et l’acheteur sans intervention de la BPI.
La GER pourra être mis en jeu en cas de non-paiement, à leur date d’exigibilité, de trois factures correspondant à trois mois de livraison d’électricité. Chaque facture doit avoir donné lieu à une mise en demeure de l’acheteur et, au moment de la mise en jeu :
La durée de la GER est de 25 ans maximum. Elle entre en vigueur à compter de sa signature. On ne peut pas reporter le paiement de la commission à la date de mise en service du CPPA, il peut donc avoir un décalage entre le paiement des commissions de la GER et les recettes du CPPA.
3. Tarification de la GER : une tarification au cas par cas
Les paramètres de la GER sont fixés de façon normative, ex-ante et pour toute sa durée de vie et avant sa signature. En cas de différences significatives entre les volumes notifiés à Bpifrance et les volumes réels de production, le producteur a le droit de demander une révision de la GER.
La tarification de la GER prend en compte la technologie de production, les volumes annuels de référence garantis, la période de livraison couverte, le prix de référence... Pour diminuer son coût, les parties pourront décider d’intégrer un prix plancher en dessous duquel l’écart de revenu ne sera pas couvert par la GER mais aussi un délai de carence. Il s’agit d’une « tarification sur-mesure »
La commission de couverture est payée annuellement par le producteur pour le compte de l’acheteur dès la signature de la garantie puis tout au long du contrat à date anniversaire (même si la garantie est mise en jeu). Des frais de dossier s’ajoutent lors du versement de la première commission. La commission étant le reflet de l’exposition maximale restante pour le fonds BPI, cette dernière est dégressive sur la durée de vie du CPPA.
Le tarif moyen lissé oscille entre 0,7 euro et 4,4 euros du MW/h pour le solaire (durée de 15-20 ans) et entre 0,7 euro et 3,9 euros du MW/h pour l’éolien (durée de 15-20 ans). La tarification inclut également les frais de dossier forfaitaires (entre 25k et 50k euros en fonction du volume annuel garanti). L’introduction d’une période de carence sur les premières années de vie du CPPA permet de diminuer les prix de couverture jusqu’à 35 %.
4. Mécanisme d’indemnisation du producteur par BPI France : une indemnité mensuelle
En cas de mise en jeu de la GER, BPI indemnisera mensuellement le producteur en fonction des prix de marché (paiement avec un mois de décalage). Comme indiqué plus haut, dans la mesure où le CPPA sera résilié, le producteur ira vendre sur le SPOT, l’électricité produite.
La GER couvre donc le producteur contre « la baisse du prix spot en-dessous de 80 % du prix PPA dans la limite du prix plancher ». Elle comble donc le delta entre le prix spot et le prix de référence fixé dans le CPPA.
Si le prix de marché est supérieur au prix fixé dans le CPPA, le surplus au-dessus de 80 % du prix du CPPA sera considéré comme une « réserve notionnelle » pour le producteur. Il ira piocher dedans si le prix spot repasse en dessous du seuil des 80 %. La « réserve notionnelle » est virtuelle. Elle est enregistrée par Bpifrance mais de donne pas lieu à des flux de remboursement entre le producteur et le fonds. Les paramètres retenus permettent d’éviter les effets d’aubaine pour les producteurs.
Souhaité depuis quelques années par les producteurs EnR [9], la GER est un outil financier idoine contribuant à lever les derniers freins restants au développement des CPPA en France pour les industriels.
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[1] Gouvernement Français, Mise en œuvre d’un fonds garantissant les contrats d’approvisionnement de long terme pour les industriels lorsqu’ils sont adossés à des actifs renouvelables, 10 novembre 2022, disponible ici.
[2] https://www.eksfin.no/en/products/power-guarantee/
[3] Réécriture de l’article L. 333-1 du Code de l’énergie.
[4] Nouvel article L. 331-5 du Code de l’énergie.
[5] Article 2 des statuts de la BPI, disponible ici.
[6] Gouvernement Français, op cit.
[7] Section B de la nomenclature d’activités françaises (sous réserve des exclusions sectorielles Bpifrance).
[8] Section C de la nomenclature d’activités françaises.
[9] Travaux de l’EFET sur l’essor des CPPA en France, 2021, slides 63 à 70, disponible ici.