Associé au sein du département Droit de la concurrence et compliance à Paris, ma pratique couvre le droit de la concurrence européen et national, tant en conseil qu'en contentieux, ainsi que le droit commercial et le droit de la distribution. J'ai également développé une compétence en matière de compliance.
Votre politique de vente sur internet est-elle conforme à la vision préliminaire de la Commission européenne sur l’application des règles de concurrence dans le secteur du commerce électronique ?
Le 15 septembre dernier, la Commission européenne a publié un rapport préliminaire dans le cadre de son enquête sectorielle sur le E-commerce. Ce rapport fait suite à une enquête de plus d’un an au cours de laquelle la Commission européenne a collecté des informations auprès de plus d’un millier d’acteurs du secteur, dont des fabricants, des distributeurs, des places de marché en ligne et des opérateurs de comparateur de prix en ligne. Ce rapport préliminaire est soumis à consultation publique et les personnes intéressées ont jusqu’au 18 novembre 2016 pour faire part de leurs commentaires.
Le rapport préliminaire de la Commission comporte deux volets, l’un sur la commercialisation de contenu digital (musique, vidéo), l’autre sur la commercialisation de biens en ligne sur lequel portent plus spécifiquement les commentaires qui suivent. Le rapport préliminaire contient des conclusions intermédiaires susceptibles d’avoir un impact significatif sur la vente de produits en ligne en Europe. La Commission y stigmatise en effet certaines pratiques qu’elle considère comme étant potentiellement contraires au droit de la concurrence, tout en validant d’autres pratiques dont la licéité pouvait faire débat.
Les pratiques stigmatisées
La Commission met en garde les opérateurs contre certaines pratiques qu’elle considère comme étant problématiques au regard du droit de la concurrence. Elle considère en particulier que :
L'interdiction faite aux distributeurs d’utiliser les marques du fabricant ou de participer à des enchères organisées par les moteurs de recherche sur internet afin d’obtenir un meilleur référencement (Google Adwords par exemple) pourrait constituer une restriction de concurrence illicite.
L'interdiction absolue faite aux distributeurs de référencer leur offre sur des sites de comparaison de prix pourrait s’avérer problématique. La Commission, sans adopter de position très affirmée à ce stade, laisse entendre qu’une telle interdiction ne pourrait se justifier que si le site de comparaison de prix ne répond pas aux critères qualitatifs fixés dans le cadre d’une distribution sélective.
La possibilité de conditionner l’appartenance à un réseau de distribution sélective à la détention d’un point de vente physique pourrait être remise en cause. La Commission semble considérer que si la nature du produit ne justifie pas l’exigence d’un point de vente physique (permettant la démonstration ou l’essai du produit), l’application d’un tel critère pourrait être injustifiée et conduire au retrait du bénéfice du règlement d’exemption catégorielle.
Les pratiques validées (sous condition)
La Commission confirme que certaines pratiques ne soulèvent pas de difficulté au regard du droit de la concurrence tant qu’elles ne sont pas mises en œuvre par des entreprises disposant d’un fort pouvoir de marché. Elle considère ainsi que :
L'interdiction faite aux distributeurs de réaliser des ventes par le biais de places de marché en ligne (telles Ebay ou Amazon) n’est pas illicite en soi. Une telle interdiction bénéficie d'une exemption automatique tant que la part de marché des parties ne dépasse pas 30 %. Cette orientation est importante car elle s’inscrit à contre-courant de la position des autorités de concurrence française et allemande qui avaient considéré que ce type d’interdiction posait problème par principe.
Les clauses de parité de prix par lesquelles un détaillant s’engage à pratiquer sur une place de marché en ligne des prix aussi bas que ceux qu’il pratique sur d’autres places de marché en ligne ou sur son site internet sont exemptées tant que la part de marché des parties n’excède pas 30 %. Le sort de ces clauses paraissait incertain notamment à l’issue des procédures ouvertes par plusieurs autorités de concurrence à l'encontre d'opérateurs de sites de réservation d’hôtels en ligne ayant conduit ces derniers à abandonner de telles clauses.
Le rapport final de la Commission est attendu pour le premier trimestre 2017. Bien que celui-ci ne modifiera pas directement l’état du droit applicable et notamment le règlement d’exemption sur les restrictions verticales, il en influencera inévitablement la mise en œuvre. Ce rapport pourrait par ailleurs conduire à l’ouverture de procédures à l’encontre d’entreprises ayant mis en œuvre des pratiques que la Commission juge problématiques. Dans ce contexte, il est dans l’intérêt des entreprises de faire valoir leur position avant l’adoption du rapport final. Nous sommes à votre disposition pour toute question ou assistance à ce sujet.