COVID-19 : Qu’en est-il en matière pénale ?

Chers clients, 

Nous traversons tous une crise sans précédent mais l’équipe de droit pénal des affaires, à l’image de l’ensemble des départements du cabinet, reste mobilisée.

Certains d’entre vous attendaient des rendez-vous importants, qu’il s’agisse d’audiences, de convocations judiciaires, de dépôts de plaintes ou encore du simple mais indispensable suivi de procédures en cours. Vous vous interrogez légitimement sur le sort de ces échéances en cette période troublée. Beaucoup d’entre vous nous ont également interrogés sur le risque pénal et l’émergence d’infractions susceptibles d’être commises, enfin certains nous sollicitent pour les accompagner plus largement dans la gestion de la crise.

La présente lettre a vocation à vous exprimer notre soutien et vous rassurer sur notre disponibilité. Toute l’équipe pénale se tient à vos côtés et ne demande qu’à être sollicitée pour répondre à vos questions. Notre équipe est confinée mais en lien permanent et nous avons adapté nos méthodes de travail à la situation. Nous continuons à assurer le suivi de vos dossiers et sommes en mesure de vous aider.

Le gouvernement et le parlement ont dû prendre en urgence des mesures exceptionnelles destinées à limiter au maximum l’impact du confinement général sur les procédures judiciaires en cours. Une circulaire en date du 14 mars 20201 relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie COVID-19 a été transmise aux juridictions et ordres professionnels.

En matière pénale, la circulaire apporte des précisions sur :

l’exercice de l’action publique (déclenchement d’une procédure pénale) qui a vocation à être réduite de manière drastique afin de freiner la propagation du virus COVID-19.

En pratique cela signifie qu’aucune nouvelle procédure pénale ni aucun acte d’enquête, sauf dans des cas de flagrants délits ou encore des cas très graves/urgents d’atteinte aux biens ou aux personnes, ne sera déclenché tant que la crise durera.

Les procureurs et juges d’instruction ont la responsabilité de différer les réquisitions, commissions rogatoires, actes d’enquête et autres auditions ne revêtant pas un caractère suffisamment grave ou urgent.

Les mesures de garde à vue qui ne peuvent pas être différées doivent faire l’objet d’une adaptation à la pandémie. En cas de suspicion de COVID-19, la mesure sera aussitôt levée ;

les mesures visant à s’assurer de la représentation en justice d’une personne mise en cause (détention provisoire ou contrôle judiciaire) et leurs régimes sont également adaptés. La circulaire prévoit par exemple la généralisation du recours à la visio-conférence pour les audiences incontournables en matière de détention. En matière de contrôle judiciaire2, les obligations de pointage sont suspendues et devront être adaptées au cas par cas ;

le sort des audiences :

o les audiences pénales sont suspendues depuis le 16 mars 2020 et pour une durée indéterminée ; il en va notamment ainsi des audiences relatives à des infractions financières ou propres au droit pénal des affaires, lesquelles sont suspendues sine die.

o par exception, sont maintenues celles concernant le contentieux de la liberté. Les audiences devant toutes juridictions statuant en matière de liberté et de contrôle judiciaire sont maintenues. Il en va de même pour les comparutions immédiates, audiences réservées aux flagrants délits (infractions correctionnelles simples, d’une gravité faible ou relative et dont les auteurs sont interpelés juste après leur commission) ;

o les sessions des cours d’assises risquent d’être annulées.

Concernant les délais de prescription, si la circulaire du 14 mars dernier n’apporte pas de précisions, le projet de loi pour faire face à l’épidémie de COVID-19 adopté définitivement par le Parlement le 21 mars 2020, permet d’adapter, d’interrompre, de suspendre ou de reporter le terme des délais prévus. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le gouvernement pour ralentir la propagation du COVID-19.

En tout état de cause, l’adaptation du travail au confinement implique pour chaque entreprise une réflexion interne profonde et un dialogue social accru. Les dispositions provisoires n’exemptent pas les employeurs ni les salariés du respect de leurs obligations réciproques. Une recrudescence de plaintes relatives à l’exposition à un risque de contamination sur le lieu de travail est à craindre, tout comme malheureusement des plaintes en lien avec des contractions effectives sur le lieu de travail, imputées le cas échéant à un manquement dans la mise en œuvre de règles de sécurité.

Il est dès lors essentiel pour chaque entreprise d’avoir une vision très précise et actualisée régulièrement de ses obligations en matière de sécurité et d’organisation des conditions de travail de ses salariés. Typiquement, la tenue d’un tableau de bord mis à jour par votre cellule de crise est la meilleure solution.

Le risque d’infractions en droit pénal du travail n’est pas exclusif d’autres difficultés.

En effet, les perspectives de ralentissement économique sans précédent ont provoqué un effondrement des marchés financiers et un nombre sans précédent de transactions suspectes a pu être détecté. Il est dès lors probable que des enquêtes se multiplient, les autorités de contrôle des marchés concernés soupçonnant des infractions boursières massives. Une implication systématique des services de compliance est indispensable, tout comme une sensibilisation accrue des initiés.

Malheureusement la suspension de la vie économique mondiale va entrainer un nombre sans précédent de faillites en chaînes, tant d’entreprises françaises et de leurs filiales à l’étranger que d’entreprises étrangères et de leurs filiales en France. Aux cohortes de procédures collectives s’ajouteront parfois des mises en œuvre de la responsabilité pénale des entreprises et/ou de leurs dirigeants. Il sera donc essentiel d’être particulièrement vigilant dans l’initiation et le suivi des procédures concernées, afin de déminer tant que faire se peut, le risque pénal, qu’il s’agisse des infractions propres au droit de la faillite (banqueroute, publication de comptes inexacts) ou même d’infractions révélées à l’occasion de l’ouverture de ces procédures (abus de biens sociaux, fraude fiscale, blanchiment, recel…). Une forte recrudescence des cyberattaques est actuellement enregistrée, profitant de la fragilisation des réseaux due à leur surcharge mais aussi de la vulnérabilité des travailleurs qui peuvent parfois s’affranchir de réflexes de sécurité pourtant essentiels. Les réseaux de travail à distance sont, en effet, sujets à des failles qu’il est important d’identifier au sein de chaque entreprise, les services IT devant être associés à l’élaboration de fiches de précautions à diffuser auprès des salariés concernés. Il sera bien temps, après la crise, de saisir, le cas échéant, les services spécialisés du parquet en cas d’infractions contre vos systèmes de traitement automatisé de données.

Enfin, en ces temps difficiles, vos entreprises et vos salariés peuvent être victimes d’incivilités, de violences ou de vols rendant la mise en place de mesures exceptionnelles de sécurité nécessaire, dès lors qu’elle s’effectue dans le respect de la loi (vidéo surveillance notamment).

En définitive, il apparaît essentiel, s’agissant de la prévention du risque pénal, de bien identifier les spécificités de chaque entreprise, au regard de l’ensemble de ces mesures provisoires et de leurs conséquences malheureusement durables.

Aussi, inclure dans le travail de votre cellule de crise la notion d’identification du risque pénal peut contribuer très largement à diminuer celui-ci. Vous êtes entraînés à cet exercice depuis la mise en place des dispositifs prévus par la loi Sapin II et notamment la cartographie des risques. Vous pouvez vous inspirer de cette méthode.

Nous nous tenons naturellement à tout instant à votre disposition afin de vous accompagner dans vos décisions et préparer aussi sereinement que possible la reprise progressive de l’activité économique et judiciaire.

Pour toute question, merci d’envoyer vos emails à :

[email protected]

L’équipe pénale de Bird & Bird
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1 Circulaire n°CRIM-2020-10/E1-13.03.2020, relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie COVID-19.

2 Par préférence à la détention provisoire, le contrôle judiciaire correspond à l’ensemble des mesures de contraintes provisoires pouvant être imposées à des personnes morales ou physiques, selon les cas, par le juge d’instruction, la chambre de l’instruction, le juge des libertés, le procureur de la république et parfois une juridiction de jugement ; visant principalement à s’assurer de la représentation de la personne mise en cause.

 

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