Dans le prolongement de notre première Newsletter « COVID-19 : Comment tenir vos Conseils d’administration et vos Assemblées Générales » du 19 mars dernier, le Parlement a habilité, aux termes de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19, le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances toute mesure notamment afin d’adapter les dispositions relatives à la tenue des Assemblées et des réunions des organes dirigeants de toutes les sociétés de droit privé et entités dépourvues de la personnalité morale de droit privé et afin d’adapter les règles relatives à l’arrêté et à la publication des comptes (article 11 f) et g) de la loi).
Deux ordonnances ont ainsi été publiées à cet effet au Journal Officiel le 26 mars 2020, à savoir :
• l’ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 ;
• l’ordonnance n°2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de COVID-19.
Ces ordonnances contiennent de nombreuses dispositions dont l’objectif est de faciliter le processus d’approbation des comptes, - processus dans lequel sont impliquées de nombreuses sociétés compte tenu de la période - mais plus généralement, le processus décisionnel des organes de direction et des associés des sociétés et groupements jusqu’à la fin de l’état sanitaire d’urgence.
Une troisième ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 contient différentes dispositions concernant la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, prorogeant les délais échus entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, d’un délai de deux mois à compter de la fin de cette même période.
PREMIERE SERIE DE MESURES : LA PROROGATION DES DELAIS IMPERATIFS EN MATIERE D’APPROBATION DES COMPTES (ORDONNANCE N°2020-318 DU 25 MARS 2020)
Cette ordonnance prévoit en effet :
• La prorogation de 3 mois du délai imparti au Directoire pour présenter les comptes annuels (et les comptes consolidés le cas échéant) et les rapports de gestion y afférents au Conseil de surveillance pour les SA à Directoire et Conseil de Surveillance :
Cette mesure de report suppose toutefois que le Commissaire aux comptes n’ait pas déjà émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020.
Elle concerne toutes les SA à Directoire et Conseil de surveillance clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
• La prorogation de 3 mois du délai d’approbation des comptes, que ce délai résulte des textes législatifs ou règlementaires, ou des statuts des sociétés :
Cette mesure de report concerne toute personne morale ou entité dépourvue de personnalité morale de droit privé clôturant ses comptes entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Comme la précédente, elle suppose toutefois que le Commissaire aux comptes n’ait pas émis son rapport avant le 12 mars.
Compte tenu de la généralité des termes, tout type de société (SA à Conseil d’administration, SARL, SNC, Société Civile), tout type de groupement (GIE, fondation, association), est concerné.
• La prorogation de 2 mois du délai concernant l’établissement des documents de gestion prévisionnelle (article L232-2 Code de commerce) :
Cette mesure de report concerne les entités concernées clôturant leurs comptes ou leurs semestres entre le 30 novembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Le Gouvernement semble avoir toutefois oublié les sociétés qui auraient sollicité une prorogation en justice du délai de tenue de leurs Assemblées d’approbation des comptes, par nature clos avant le 30 septembre 2019, et pour lesquelles le délai de prorogation arriverait à expiration. On peut toutefois supposer que les sociétés concernées bénéficient des dispositions concernant le report de délai prévues par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.
SECONDE SERIE DE MESURES : ASSOUPLIR LES CONDITIONS DE TENUE DES CONSEILS D’ADMINISTRATION ET DES ASSEMBLEES (ORDONNANCE N°2020-321 DU 25 MARS 2020)
Cette seconde ordonnance est très large dans son champ d’application tant par les entités1 que par les décisions concernées car les assouplissements prévus s’appliquent « quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée/l’organe est appelé à statuer ».
En effet, le problème était de taille car la loi imposait la présence physique des associés pour la tenue des Assemblée ou de la moitié au moins des administrateurs pour la réunion des Conseils d’administration, notamment en matière d’approbation des comptes annuels (articles L.225-37 et L.225-82 Code de commerce) et n’autorisait la tenue des Assemblées par des moyens dématérialisées que si des dispositions statutaires l’autorisaient.
Cette ordonnance s’applique rétroactivement à compter du 12 mars 2020 jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret en Conseil d’Etat et au plus tard le 30 novembre 2020.
Le Gouvernement a souhaité introduire également le maximum de souplesse, étant précisé que certaines dispositions nécessiteront un décret d’application non paru à cette heure.
Mesures concernant les Conseils d’administration et de Surveillance (et plus généralement tous les organes collégiaux de direction, de surveillance et d’administration existants)
• Autorisation de la tenue des réunions par des moyens de visio ou de téléconférence (article 8 de l’ordonnance)
Par dérogation aux dispositions législatives et règlementaires applicables à chaque type de société, et sans qu’aucune clause statutaire ou un règlement intérieur soit nécessaire à cet effet ou ne puisse s’y opposer, les Conseil d’administration, Conseil de surveillance et Directoire pourront se tenir sans la présence physique de leurs membres, par conférence téléphonique ou audiovisuelle.
Cela concerne donc non seulement les réunions d’arrêté des comptes mais toute réunion quel que soit son objet.
• Possibilité de prendre les décisions par consultation écrite (article 9 de l’ordonnance)
De même, les décisions des Conseil d’administration, Conseil de surveillance et Directoire pourront être prises par voie de consultation écrite des membres, malgré l’absence de dispositions statutaires l’autorisant.
Le Gouvernement va donc au-delà du dispositif légal en autorisant la consultation écrite pour tout type de décision et sans exiger une modification des statuts : pour rappel, la loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés du 19 juillet 2019 avait autorisé les Conseils d’administration et les Conseils de surveillance des SA à délibérer, par voie de consultation écrite, mais sur une liste limitative de décisions et sous réserve d’une modification préalable des statuts.
Mesures concernant les Assemblées
• Possibilité de tenir les Assemblées en huis clos (article 4 de l’ordonnance)
Compte tenu des restrictions imposées en matière de réunions physiques, il sera possible de décider la tenue des Assemblées à huis clos (sans la présence physique, et sans la participation par téléphone ou par visio conférence), pour autant qu’une information soit donnée par tout moyen aux associés et participants permettant « d’assurer leur information effective de la date et de l’heure de l’Assemblée ainsi que des conditions dans lesquelles ils pourront exercer l’ensemble des droits attachés à leur qualité d’associés ou de participants ».
Pour permettre le maximum d’adaptation à l’évolution de la situation,
o les mesures d’assouplissement concernent les Assemblées d’approbation des comptes mais également toute Assemblée, quel que soit son objet ;
o l’organe en charge de convoquer (s’il est collégial) pourra déléguer au représentant légal la décision finale concernant la tenue d’une Assemblée à huis clos (comme celle de la tenir par visio ou téléconférence ou par consultation écrite, lorsque ces modes seront possibles – cf ci-après) ;
o en outre, la décision de tenir l’Assemblée à huis clos (comme celle de la tenir par visio ou téléconférence ou par consultation écrite, lorsque ces modes seront possibles), pourra être prise même après la convocation sous réserve d’être communiquée par tout moyen aux associés au moins 3 jours ouvrés avant la date de l’Assemblée et sans qu’il soit nécessaire de reconvoquer. Il en est de même de la modification du lieu de convocation de l’Assemblée (ce qui déroge totalement à la pratique en temps normal).
L’objectif poursuivi par ces assouplissements est d’éviter la tenue d’une nouvelle réunion du Conseil d’administration si le Conseil d’administration tenu préalablement (et ce, dès le 12 mars 2020 par exemple) avait décidé la convocation d’une Assemblée devant se tenir de manière physique, tenue physique que les mesures de confinement ou leur prorogation dans le futur ne rendraient plus possible, y compris après l’envoi des convocations.
Cette faculté est également étendue aux sociétés dont les actions ou les titres sont cotés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, la décision pouvant être également prise après les formalités de convocation sous réserve de la diffusion effective et intégrale d’un communiqué.
• Autorisation de la tenue des Assemblées par visio conférence ou par conférence téléphonique permettant l’identification des associés (article 5 de l’ordonnance)
Le Gouvernement autorise la tenue des Assemblées par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle permettant l’identification des associés par dérogation aux dispositions législatives et règlementaires applicables, et sans qu’aucune clause statutaire ou règlement intérieur soit nécessaire à cet effet ou ne puisse s’y opposer.
Dans cette hypothèse, les associés participant par ce biais seront pris en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. La loi précise toutefois que « les moyens techniques mis en œuvre devront transmettre a minima la voix des participants et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant une retransmission continue et simultanée des délibérations. »
S’agissant des Sociétés Anonymes (et des assemblées d’obligataires), l’ordonnance précise que les moyens autorisés restent ceux qui étaient prévus précédemment par la loi, à savoir :
o visio conférence ou moyens de télécommunication permettant l’identification et la participation effective des actionnaires participant à l’Assemblée, transmettant au moins la voix des participants et satisfaisant à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations ;
o le vote en séance par des moyens électroniques de télécommunication - continuera de nécessiter un site internet dédié.
Comme pour les Assemblées tenues à huis clos, les associés et participants devront être avisés par tout moyen permettant « d’assurer leur information effective de la date et de l’heure de l’Assemblée ainsi que des conditions dans lesquelles ils pourront exercer l’ensemble des droits attachés à leur qualité d’associés ou de participants ». En pratique, s’agissant des Assemblées de SA, le recours à la convocation postale ne semble pas dès lors impératif – le texte évoquant le terme « par tout moyen », il semble donc possible de convoquer les actionnaires par e-mail à condition toutefois de disposer de l’adresse e-mail de l’actionnaire et de solliciter un accusé de réception.
• Extension de la faculté de recourir à la consultation écrite des associés lorsque ce mode de délibération des associés était autorisé par la loi (article 6 de l’ordonnance)
Pour les sociétés pour lesquelles ce mode de délibération des associés était déjà autorisé par la loi (SCI, SARL, SNC principalement), la consultation écrite pourra être mise en œuvre pour toute décision (y compris l’approbation des comptes où la loi imposait généralement une réunion physique) et ce nonobstant toute clause contraire ou l’absence de toute clause statutaire en ce sens.
Ce mode de délibération n’est donc pas ouvert aux Sociétés Anonymes car il n’était pas prévu précédemment par la loi.
Quid de la SAS dont les statuts n’auraient pas prévu la consultation écrite ou en auraient restreint le champ d’application ? Il semble difficile de leur permettre de bénéficier de cet assouplissement dans la mesure où la consultation écrite ne fait pas partie des modes de délibération autorisés par la loi pour la SAS.
• Adaptation de l’exercice du droit de communication (article 3 de l’ordonnance)
Toute demande de communication de documents ou d’informations pourra se faire valablement par message électronique pour autant que l’associé ait communiqué une adresse électronique pour la réponse.
• Assouplissement concernant l’envoi des convocations par voie postale pour les sociétés cotées sur un marché réglementé ou multilatéral (article 2 de l’ordonnance)
Afin de sécuriser la tenue des Assemblées des sociétés cotées, il sera impossible de demander la nullité de l’Assemblée si la Société n’a pas été en mesure de procéder à la convocation postale (en raison de circonstances extérieures à la Société), formalité qui concerne tous les actionnaires inscrits au nominatif un mois au moins avant la date de l’insertion de l’avis de convocation.
Le texte réserve cette possibilité aux seules sociétés cotées pour lesquelles les Assemblées donnent lieu à des publications dans un journal d’annonces, au BALO et sur le site internet de la société, permettant ainsi aux actionnaires d’être informés par d’autres moyens de la date de l’Assemblée.
Le Gouvernement a édité un document FAQ Tenir son AG et respecter les délais comptables disponible sur le site du Ministère de l’Economie et des Finances en cliquant ici.
En conclusion, les sociétés pour lesquelles le processus d’approbation des comptes est en cours, auront deux options : reporter ce processus ou utiliser les facultés d’assouplissement prévues par le Gouvernement. En pratique, tout dépendra de l’état d’avancement de la préparation de leurs comptes et/ou de leur souhait de permettre la présence physique de leurs associés.
Pour toute question, merci d’envoyer vos emails à :
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