Sociétés anonymes : vos statuts sont-ils à jour pour permettre la tenue de vos CA d'arrêté des comptes par visio conférence ?

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Sylvie Hamel

Senior Counsel
France

En tant qu'experte en droit des sociétés, membre du barreau de Paris et avocat counsel au sein de notre groupe Corporate à Paris, je suis spécialisée en droit boursier français.

  • Le recours à un moyen de télécommunication pour les réunions des conseils d'administration devient de droit

L’article L.225-37 du Code de commerce permettait de prendre en compte pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs participant à des moyens de visio conférence ou de télécommunication pour autant que le Conseil d’administration se soit doté d’un règlement intérieur autorisant cette modalité de participation et que les statuts ne s’y opposaient pas1

Toutefois, le Code de commerce avait maintenu l’exigence d’un quorum2 calculé sur la base des seuls administrateurs présents physiquement pour les Conseils d’administration arrêtant les comptes sociaux et consolidés et pour l’établissement du rapport de gestion et du rapport de gestion de groupe3

Après avoir bénéficié de mesures d’assouplissement liées au COVID jusqu’au 31 juillet 2022, le retour au dispositif légal imposant de s’assurer de la présence physique de la moitié des administrateurs pour la validité des réunions d’arrêté des comptes s’avérait une contrainte pour de nombreuses SA dont les Conseils se sont internationalisés alors que la visio conférence est devenue un mode de réunion à part entière, sans évoquer la volonté des sociétés de réduire leur empreinte carbone.

La loi n°2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France4 (la « Loi ») a modifié l’article L.225-37 du Code de commerce pour supprimer ces restrictions, sous réserve de l’absence de dispositions en sens contraire des statuts ou du règlement intérieur5.

Désormais, la possibilité pour les administrateurs de participer aux réunions du Conseil d’administration par un moyen de télécommunication est de droit et ne nécessite plus l’adoption d’un règlement intérieur. Ces dispositions sont applicables depuis le 14 septembre 20246.

Pour pouvoir bénéficier pleinement de cette souplesse, les statuts de SA qui reprenaient les restrictions légales devront être modifiés, ce qui implique de soumettre une résolution en sens lors de la première Assemblée Générale qui sera convoquée7.

Il conviendra également de vérifier le règlement intérieur pour s’assurer que ce dernier ne contient pas de restrictions sur l’utilisation des moyens de télécommunication. Sa modification relève de la compétence du Conseil d’administration.

La loi autorise toujours les statuts ou le règlement intérieur à interdire ce mode de réunion (à l’exception des SA cotées où une telle interdiction statutaire est désormais privée d’effet ), à restreindre son recours pour certaines décisions ou à prévoir un droit d’opposition de la part d’un nombre déterminé d’administrateurs.

  • Profitez de cette assemblée générale pour bénéficier des nouvelles modalités de la consultation écrite

A l’occasion de la convocation d’une Assemblée Générale, il semble également opportun de modifier les statuts, soit pour mettre à jour les dispositions sur la consultation écrite ou pour rendre possible celle-ci. La Loi a, en effet, supprimé, la liste des décisions pour lesquelles le recours à la consultation était autorisé9. Celle-ci, très limitée, rendait ce mode de décision très peu pratique. La consultation écrite pourra donc intervenir pour toute décision sans limitation, y compris de manière électronique, sous réserve d’une disposition statutaire l’autorisant.

Les statuts de la SA devront préciser les modalités de la consultation écrite (délai, modalités y compris par voie électronique), et devront dans tous les cas réserver un droit d’opposition à chacun administrateur : il conviendra de faire preuve de pragmatisme dans la rédaction des statuts pour profiter des outils numériques permettant de faciliter la consultation écrite que le législateur autorise désormais, tout en assurant un minimum de process et de sécurité juridique. Peut-être un moyen de faire disparaitre la pratique des Conseils d’administration « papier » que l’on peut trouver encore dans certaines sociétés en la remplaçant par une consultation écrite organisée de manière électronique.

  • Le vote par correspondance est désormais possible également pour les administrateurs sous réserve d'une disposition des statuts

Enfin, le législateur institue la possibilité pour les membres du Conseil d’administration de voter par correspondance10 sous réserve d’une disposition figurant dans les statuts. L’utilisation pratique semble toutefois plus limitée à ce stade car elle suppose que le contenu de la délibération précise du Conseil d’administration soit connu d’avance. En outre, sa mise en œuvre reste subordonnée à l’adoption d’un décret déterminant les mentions du formulaire de vote par correspondance.

______________

1 - Ancienne rédaction 
« Sauf lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées aux articles L. 232-1 et L. 233-16 et sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs qui participent à la réunion par des moyens de visio conférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective, dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions et prévoir un droit d'opposition au profit d'un nombre déterminé d'administrateurs.»

2 - Le quorum se détermine sur l’ensemble des administrateurs en fonction. La présence de la moitié d’entre eux, arrondi au nombre entier supérieur, est une condition de la validité de la réunion du Conseil d’administration.

3 - Le législateur en 2005 avait souhaité en effet maintenir au moins une réunion physique par an pour permettre de conserver un lieu d’échanges entre administrateurs.

4 - Cette loi contient de nombreuses autres dispositions notamment

- concernant les sociétés cotées : introduction des actions de préférence à vote plural pour les sociétés s’introduisant en bourse, modification de certaines dispositions en matière d’augmentation de capital, obligation de retransmission en direct de l’assemblée générale et de mise à disposition du support d’enregistrement pour les sociétés cotées sur un marché réglementé exclusivement,

- concernant la tenue des assemblées générales (avec une généralisation des assemblées dématérialisées, lesquelles deviennent également possibles même en l'absence de dispositions statutaires),

et habilite le gouvernement à adopter par ordonnance les dispositions en vue de simplifier et de clarifier le régime des nullités en droit des sociétés notamment.

5 - L’article L.225-82 du Code de commerce relatif aux Conseils de Surveillance des SA a été également modifié mais ce dernier n’est pas applicable aux SCA (disposition exclue par l’article L.226-1 du Code de commerce).

6 - L’article 29 de la Loi prévoit que l’article 18 entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat et au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi.

7 - L’article 21 de la Loi modifie l’article L.225-36 du Code de commerce et autorise désormais les Conseils d’administration à modifier les statuts pour les mettre en conformité, sous réserve de ratification par l’Assemblée Générale Extraordinaire et supprime l’ancienne exigence d’une délégation initiale conférée par l’Assemblée Générale Extraordinaire. Au cas présent, il nous semble toutefois indispensable de passer en Assemblée Générale compte tenu de la flexibilité reconnue aux statuts pour aménager ou interdire ces différents dispositifs : cela dépasse donc la mise en conformité.

8 - Les articles L. 22-10-21-1 et L.22-10-3-1 du Code de commerce introduits par l’article 18 de la Loi s’appliquent aux sociétés cotées sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

9 - Article 18 II 3°de la Loi. Cette modification concerne également les SA à Conseil de surveillance (article L.225-82 du Code de commerce) et les SCA (article L.226-4 du Code de commerce).

10 - Article 18 II 3°b)  « Les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d’un formulaire dont les mentions sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. » Cette modification concerne également les SA à Conseil de surveillance (article L.225-82 du Code de commerce) et les SCA (article L.226-4 du Code de commerce).

Points de vue

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