Suivi à domicile des patients dans le cadre d'essais cliniques décentralisés

Ecrit par

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Ariane Mole

Of Counsel
France

Je suis associée et co-head de notre Pratique Internationale de Protection des Données. Mes nombreuses années dédiées à la protection des données personnelles me permettent d'offrir des solutions pratiques et innovantes aux clients dans le monde entier.

Caroline Arrighi-Savoie

Senior Associate
France

Collaboratrice senior au sein du groupe commercial, je suis plus particulièrement en charge des questions relatives à la santé et aux sciences de la vie.

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Johanna Harelimana

Associate
France

Avocate au sein de l'équipe « Sciences de la Vie », je conseille nos clients français et internationaux sur des questions réglementaires principalement dans les secteurs de la santé, de l'alimentation et boisson et de l'environnement.

Rappel du contexte actuel

Faisant face au plein essor des essais cliniques comprenant des éléments décentralisés dans le cadre de la Covid-19, la Commission européenne a publié, en décembre 2022, des recommandations relatives aux essais cliniques décentralisés ayant vocation à s’appliquer indépendamment de toute crise sanitaire. 

L’objectif de ces recommandations est de faciliter l'utilisation d'éléments décentralisés dans les essais cliniques, tout en maintenant le niveau requis de sécurité des participants à l'essai, en garantissant la protection de leurs droits et de leur dignité, et en assurant la fiabilité des données à publier et à soumettre aux autorités règlementaires.

En France, un effort concerté a également été entrepris par les autorités afin de faire évoluer le cadre applicable aux essais cliniques décentralisés et d’adapter les recommandations de la Commission européenne au niveau national. 

La direction générale de la santé (DGS), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ont lancé, en janvier 2024, une phase pilote d’une durée de 9 mois (jusqu’à septembre 2024) sur les essais cliniques comportant des éléments décentralisés. Par cette initiative, les autorités ont pour souhait d’accompagner les promoteurs dans la conception de leurs projets de recherches cliniques décentralisés et de fournir des solutions concrètes aux défis rencontrés lors de leur réalisation. Précisément, la CNIL a défini les objectifs suivants à atteindre à l’issue de la phase pilote :

  • établir et publier des recommandations françaises sur les essais cliniques décentralisés ;
  • inviter les promoteurs de ces essais à faire part de leur retour d'expérience et effectuer un bilan ;
  • alimenter les travaux en cours de la CNIL relatifs à la mise à jour des méthodologies de référence (MR) [1].

Problématique du suivi à domicile des patients et de la préservation de la confidentialité

Compte tenu de l’absence de règles spécifiques applicables aux essais cliniques décentralisés, les règles générales encadrant les essais cliniques se révèlent souvent inadaptées en pratique.
Une des questions pratiques soulevée par la conduite d’essais décentralisés et qui n’était jusqu’à présent pas traitée par la réglementation applicable concerne le suivi à domicile des patients (par exemple pour des soins infirmiers), en particulier la gestion de données identifiantes et non directement identifiantes par le personnel dédié à la coordination du suivi à domicile. 

En effet, les MR-001 et MR-003 interdisent l'accès simultané par le sous-traitant du promoteur aux données directement identifiantes (nom, prénom, etc.) et aux données de santé. Cette interdiction vise à empêcher que la participation à la recherche ou encore les résultats de la recherche soient rattachés à une personne déterminée et donc divulgués au personnel dédié à la coordination du suivi à domicile, préservant ainsi la confidentialité des participants sur leur état de santé. Or, en pratique, ce principe constitue un défi pour les promoteurs dans le cadre de la gestion des soins à domicile. Les personnes en charge du suivi à domicile des participants à la recherche peuvent avoir besoin d’avoir l'identité des patients, leur adresse, mais également des informations sur leur état de santé, créant ainsi un risque de non-conformité aux MR. Les promoteurs recourent donc à des schémas complexes afin que des prestataires externes à la recherche n’aient pas accès à la fois à des données identifiantes et à des données de santé.

Afin de répondre à cette problématique, la CNIL a publié sur son site, le 16 mai 2024, une recommandation pratique sur « Le suivi à domicile lors de recherches dans le domaine de la santé » envisageant deux cas de figure conformes aux exigences des MR.

Recommandation de la CNIL sur l’organisation d’un suivi à domicile conforme aux MR [2]

1. Le centre investigateur fait appel directement à des infirmiers libéraux

Les infirmiers libéraux (mais également d’autres prestataires) pourraient être considérés comme travaillant pour les professionnels intervenant dans la recherche (ex. le centre investigateur) et agissant sous leur responsabilité. Comme ces derniers sont autorisés à accéder aux données directement identifiantes et indirectement identifiantes, ce schéma est considéré comme conforme aux MR.

2. Le responsable de traitement conclut un contrat avec un prestataire

Un autre scénario consisterait à ce que le responsable de traitement fasse appel à un prestataire de services qui mettrait du personnel chargé de la gestion des soins à domicile (ex. des infirmiers) à la disposition des centres investigateurs. 
Dans ce cas-là, trois conditions doivent être réunies pour respecter les MR : 

  • l’information préalable des participants de l’intervention de cette société tierce, 
  • la mise en place de garanties pour assurer la confidentialité des données, et 
  • une durée de conservation des données limitée au délai strictement nécessaire pour permettre au personnel de réaliser leurs missions.

En particulier, le contrat devra prévoir des garanties strictes pour s'assurer que le personnel du sous-traitant n'a pas accès simultanément aux données directement et indirectement identifiantes (« une séparation physique et organisationnelle » doit être mise en place). Par exemple, les personnes chargées de la gestion administrative des soins à domicile (à l’exclusion de la prise en charge des patients) n’ont accès qu’aux données directement identifiantes. 

La CNIL rappelle que si ces deux cas de figure ne sont pas applicables, les promoteurs devront obtenir une autorisation spécifique de la CNIL.

Conclusion

Dans le prolongement des recommandations européennes sur les essais cliniques décentralisés, force est de constater que des initiatives nationales voient le jour afin de lever les freins existant au développement des essais cliniques décentralisés dans le respect des principes essentiels applicables (sécurité des patients, protection de leurs droits et de leur dignité, fiabilité et robustesse des données). L’issue de la phase pilote initiée par l’ANSM, la CNIL et la DGS sur les essais décentralisés, ainsi que la mise à jour des MR (en cours de consultation publique jusqu’au 12 juillet 2024) marqueront de nouvelles étapes vers la normalisation du recours à la décentralisation des essais cliniques, dont les retombées sont unanimement positives.

La CNIL a également publié une mise à jour de ses bonnes pratiques en matière de contrôle qualité à distance des essais cliniques [3].

 

[1] Essais cliniques décentralisés : lancement d’une phase pilote par la DGS, la DGOS, l’ANSM et la CNIL | CNIL

[2] Le suivi à domicile lors de recherches dans le domaine de la santé | CNIL

[3] Essais cliniques : les bonnes pratiques pour le contrôle qualité à distance | CNIL

 

Points de vue

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